Marque d'André Boule. Collection Bibliothèques municipales de Chambéry, RES B 000.089

On connaît peu de choses de la vie d’André Boule.

Il naît au XVe siècle, marie sa fille en 1518 et meurt en 1523. Cette année-là, François Ier gouverne la France, l'imprimerie existe depuis quelques décennies et l'humanisme s'inscrit dans les modes de pensées, les écrits et l'art. André était libraire-relieur. Peut-être était-il protestant, car on dit qu’au XVIe siècle la plupart des meilleurs imprimeurs étaient de cette religion. On peut même imaginer qu’il était l’ancêtre des illustres ébénistes parisiens protestants du XVIIe siècle si on se rapporte à André Charles Boulle (1642-1732), ébéniste du Roi à Versailles. André voulait qu'on se souvienne de lui car il signait ses reliures. Pas uniquement par un petit signe dans un coin, mais sans fausse modestie par son nom et son prénom, en toutes lettres, sous le décor de la couverture. Avant même de connaître le titre du livre, on rencontrait son relieur…

Plaque du Christ en croix, détail. André a habitué ses commanditaires à de belles reliures à décors dites de plaques, représentant des scènes religieuses comme celle de Saint-Sébastien. Il a utilisé aussi une plaque représentant le Christ en croix entre Saint-Thomas d’Aquin et Sainte-Catherine de Sienne. Collection Bibliothèques municipales de Chambéry, RES C 000.196.

Mais ce n'est pas uniquement la signature, ou la beauté des reliures, qui font la célébrité d’André. C’est surtout le peu de livres conservés aujourd'hui dans les bibliothèques. Jusqu’à peu, on ne recensait que 53 reliures produites entre 1487 et 1520 dans les bibliothèques françaises et étrangères, dont une à Chambéry…

L’ouvrage conservé dans nos collections a été imprimé à Strasbourg en 1503 : Historia scholastica super Novum Testamentum. L’auteur, Pierre le mangeur, dit Pierre Comestor (1100?-1179?) était théologien et doyen de l'église de Troyes. Ce livre écrit en 1173 est son œuvre la plus célèbre. C’est une forme de manuel d’études bibliques, fondé sur une réécriture des parties narratives de la Bible (jusqu’aux évangiles) et intégrant de nombreux éléments d’exégèse.

Plaque de Saint-Sébastien, détail. Collection Bibliothèques municipales de Chambéry, RES B 000.089

Recto de la reliure. Collection Bibliothèques municipales de Chambéry, RES B 000.089

Et depuis 2021, on peut désormais rajouter deux exemplaires à la liste, découverts à la médiathèque Jean-Jacques Rousseau à l’occasion d’un inventaire !

1. In sententias theologicas Petri Lombardi commentariorum

L’auteur, Guillaume Durand de Saint-Pourçain (1270?-1334), est un théologien français, connu surtout pour son rejet de certaines thèses philosophiques de Thomas d’Aquin (1225-1274). Ce rejet apparaît notamment dans ce commentaire du Livre des sentences (1152) de Pierre Lombard (1096-1160), manuel théologique de base dans les universités médiévales, des années 1220 au XVIe siècle et qui servit entre autres de modèle à Saint Thomas d’Aquin. L’ouvrage conservé dans nos collections a été imprimé par Jehan Petit à Paris en 1508.

Plaque du Christ en croix. Collection Bibliothèques municipales de Chambéry, RES B 000.079

Plaque du Christ en croix, détail. Collection Bibliothèques municipales de Chambéry, RES B 000.079

2. Prima pars seconde partis sacre theologie ... Sancti Thome de Aquino...

La Somme théologique est un traité théologique et philosophique en trois parties du docteur de l'Église Thomas d'Aquin (1224 ?-1274), écrit entre 1266 et 1273 et qui reste inachevé. C'est son œuvre majeure, à laquelle il a consacré les dernières années de sa vie. L’incunable conservé dans nos collections a été imprimé à Venise en 1500.

Plaque de Saint-Sébastien, détail. Collection Bibliothèques municipales de Chambéry, RES C 000.196

On observe pour les trois livres une reliure en veau roux sur ais de bois à décor de plaque, signée « André Boule ». La signature est inscrite dans un encadrement de roulettes à motifs de mouches, de fleurs, le tout souligné de filets alternativement gras et minces. Sur le plat supérieur, une plaque figure le martyr de Saint-Sébastien et sur le plat inférieur une autre figure la crucifixion. On constate la trace de fermoirs.

Merci André pour ces reliures d’exceptions qui embellissent nos collections !