Rousseau face à la critique féministe

« Et en effet presque toutes les petites filles apprennent avec répugnance à lire et à écrire ; mais quant à tenir l'aiguille c'est ce qu'elles apprennent toujours volontiers. Elles s'imaginent d'avance d'être grandes, et songent avec plaisir que ces talents pourront un jour leur servir à se parer. » (Émile ou de l'éducation)

Objets de désir, de rêve, de passion et de convoitise dans les Confessions, les femmes ont dans l’esprit de Rousseau une place bien particulière lorsqu’il s’agit d’éducation. C’est dans l’Emile, qu’il met en place sa théorie, qui place l’enfant au centre du processus éducatif, tout en le protégeant d’une civilisation corruptrice. Le but, dans la droite ligne de son Discours sur les sciences et les arts, est de prodiguer une éducation conforme à la vraie nature de l’enfant. L’Emile pose également comme principe l’infériorité de la femme sur l’homme dans le domaine de l’apprentissage du savoir, leur vraie nature les conduisant plus volontiers vers la couture que la lecture. Il faut souligner que ces positions n’avaient rien de rétrograde à l’époque. C’est seulement après la Révolution française que les femmes perdent leur statut de « mineure » à vie. Il existe bien quelques penseurs des Lumières éclairés quant à la place de la femme au sein de la société, comme Helvetius, qui met en avant l’égalité des cerveaux, les différences de nature étant les effets de la différence d’éducation ; ou Voltaire, amant d’Emilie du Châtelet, l’une des premières femmes mathématicienne et physicienne ; ou encore Condorcet, féministe au masculin. Mais c’est bien plus tard, à partir de 1880, que l’instruction des jeunes filles progresse. Face à une critique féministe relativement indulgente bien qu’opposée, Rousseau orphelin de mère, rappelons-le, incarnera après la seconde guerre mondiale, la figure de l’antiféminisme par excellence notamment pour avoir limité la femme à son rôle de mère, en présentant l’allaitement comme fondamental.
Rousseau n’était donc pas au 18e siècle archaïque ou rétrograde. Mais on aurait aimé que ce grand homme, si précurseur et visionnaire en matière de démocratie et d’idées républicaines, le soit de même en faveur de la cause des femmes